Un soir d’été, assis autour de la table sous la terrasse couverte, on regarde tomber l’orage en silence. Personne ne se donne la peine qui d’ordinaire anime et prolonge la conversation. Comme si le poids de la pluie, les arbres immenses, la lumière improbable du ciel imposaient de se taire et d’aller s’isoler pour observer plus à l’écart le tableau.
Puis, comme attiré par l’herbe mouillée, on irait irrésistiblement s’allonger, éparpillé dans les herbes hautes. Et chacun étendu face contre ciel, laisserait venir lentement à lui, en une timide illusion transparente, le grand absent du jour ou de sa vie. Son double, son jumeau, son inventé, un amour, mort, vivant, parti depuis des lustres. Celui qui ne se pointe jamais ailleurs que dans notre tête inconsciente.
Et bien, pour une fois il serait là. Ils seraient là, tous, près de nous réellement, allongés contre notre peau, dans nos mains ruisselantes. Le temps que passe l’orage, ils nous feraient l’honneur de leur présence avant de disparaître à nouveau, aussi sec.