Dans les couloirs bondés, ses pas ne sont pas ceux de quelqu’un sur le départ. Il traîne avec une lenteur sidérante un petit sac de voyage parmi un cortège d’encombrantes valises aux propriétaires devenus hystériques d’être freinés ainsi dans leur course par un individu incapable de suivre le rythme général. Premier jour de vacances, l’envie est rude apparemment pour chacun de fuir le quotidien. Mais lui n’a pas l’air de se rendre compte de la bousculade dont il fait les frais et poursuit son chemin dans une dimension parallèle.
A vrai dire il n’a pas encore une idée très précise de sa destination. Rien de trop brutal, partir mais sans hâte, c’est comme ça qu’il envisage les choses. Et c’est sa façon de combattre l’angoisse qui l’envahit depuis qu’il a pris sa décision l’autre soir en contemplant les lumières des immeubles se refléter dans l’eau.
Arrivé à proximité des quais, il manque de renverser trois enfants sur son passage. Alignés, les mines sérieuses, les petites mains fermement agrippées aux poignées de leurs valises mini-format et les yeux écarquillés d’impatience, ils attendent le train.



Les arbres s’élèvent sans fin le long du chemin. Comme dans le souvenir qu’il a gardé des étés passés ici. La vieille maison est fermée depuis longtemps mais les branches s’élèvent de plus belle en une voute immense. Il a l’impression que si il posait sa main au hasard sur un des troncs épais il sentirait battre un coeur sous l’écorce. Il s’allonge pour mieux observer le spectacle comme il le faisait enfant et sent sur son visage le soleil tiède du lever du jour. Soulagé, il ferme les yeux, et laisse s’échapper quelques larmes plus silencieuses que le bruissement des feuilles, puis s’endort à même le sol.