De la chambre s’échappe un air de piano qu’elle écoute d’une
oreille distraite, toute absorbée par la contemplation de la pluie et des
nuages qui se déchainent en rafales. Plantée devant la fenêtre, elle cherche
quelque chose. Une inspiration, un souvenir, une émotion quelconque qui
viendrait prendre le dessus d’un ennui qui l’accable soudainement. S’étonne de
ne rien trouver. Ni rêve, ni désir. Ni plus ni moins que la pluie dans sa
grisaille qu’elle continue d’observer l’air songeur. Alors, lentement au
travers des gouttes une image apparaît. En filigrane derrière la vitre un décor
prend forme. Une route de campagne. Un vieux village aux rues étroites éclairées par
les vitrines de quelques brocanteurs encore ouverts pour les derniers
promeneurs du week-end. Au bout d’une allée, une imposante maison de pierres.
On y rentre après une promenade un dimanche en fin d’après-midi sous un ciel
blanc qui vire au sombre et un vent de crépuscule glacé. Pas de visage précis
mais à l’intérieur, des présences fortes et familières. Et le piano qui continue de jouer d’un espace à l’autre.
Elle ne connaît pas ces gens, n’a jamais vu cette maison ni
ce village. Peut-être un vieux souvenir déformé, un truc rêvé une nuit. Mais ça
n’a pas d’importance, elle fait de ces petites irréalités des histoires bien à
elle.