Elle s’allonge à même le sol de la maison vide, comme elle se coucherait sur la tombe d’une vieille amie qu’elle serait venue visiter pour partager deux trois bons souvenirs. Elle est revenue ici se rappeler de chaque pièce baignée de sa lumière particulière d’un soleil de fin de journée ou d’une lampe qu’on allume aux premières ombres du soir. Elle se rappelle du silence de la chambre, de la porte qui s’ouvrait tard dans la nuit, du café qu'elle préparait tous les matin dans la petite cuisine. Elle pense à tout ce qu’elle a minutieusement, patiemment - avec l’acharnement et tout le sacré que demandait l’affaire - injecté dans chaque parcelle de ce lieu pour qu’il soit à l’exacte image du refuge parfait.
De de l’eau a coulé sous les ponts, des lieux et d'autres matins aussi, ce qui l’amène ici aujourd’hui allez savoir, ce qui l’attire toujours vers ces maisons qu’elle a désertées, je ne sais pas non plus, je ne sais pas cet étrange attachement aux murs, comme si de son souffle par magie elle en faisait des êtres vivants qu’elle ne pouvait plus alors quitter pour de bon.


C’est pas grave qu’il y ait des gens autour, il les connaît, c’est pas grave, de toute façon à cette heure plus personne fait attention. Il a tenu pourtant depuis des mois, des semaines et des jours il tient. Mais à cet instant de la nuit il ne tient plus, je le vois dans un coin sombre de la pièce se plier sur lui-même, sa tête entre ses mains, sa fatigue, l’alcool et cette musique, qui mettent à terre tous ses efforts pour garder la face. Mais il s’en fout finalement de ne plus faire face et de rester comme ça sans rien cacher, je crois même que ça lui fait du bien.
Il partira à l’aube, marchera lentement dans les rues vides et encore noires jusqu’au premier train de 6h30 qui le ramènera chez lui.
Il regardera un peu amusé un peu effrayé tous ces hommes d’affaires encravatés dans leur royaume, dossiers ouverts sur leurs genoux, écrans allumés et toutes leurs batailles à gagner. Ils ne profiteront pas du trajet pour grappiller un peu de sommeil, non non on ne dort pas, on ne dort plus, arrivé à quai il sera trop tard.
Lui, il ne quittera pas des yeux le jour levant et les champs qui disparaissent dans une brume épaisse à l’endroit même de l’horizon, en se laissant gagner par le calme que la nature derrière la vitre lui insuffle.