Les enfants courent par dizaines. Il a mal calculé son coup se dit-il en arrivant, Il est arrivé trop tôt, l’heure du goûter n’est pas encore passée.
Les enfants c’est rien, ça irait si ils étaient seuls, les enfants courent et c'est bien de les regarder, mais leurs mères elles, leurs mères attroupées, habillées, coiffées et maquillées comme pour masquer leur ennui universel, elles ce n’est pas rien, et les observer a quelque chose d' effrayant.
Un parc des quartiers chics. Et le jour encore trop clair.
Tant pis, il reste, il ne va pas rentrer maintenant qu’il est là, il marche en attendant la pénombre qu’il est venu chercher, qui le tranquillisera et l’isolera enfin de tout ce bordel. En attendant il trimballe sans pouvoir le cacher son visage qu’il sent si peu vivant, si peu ouvert, il a l’impression que son corps abrite un petit vieux et des yeux de zombie. 
Et ses mains, d'où plus rien de valable ne sort, pense-t-il.
Il fait sombre maintenant, les enfants ont été remplacés par les jeunes joggeurs. Il sursaute à chaque fois que l’un d’entre eux le dépasse en le frôlant, comme si il n’était pas là en train de marcher sur ce chemin ; ils le dépassent puis disparaissent aussitôt comme des fantômes entraînés par la vitesse de leur course. Lui, avec la nuit commence à se sentir mieux, à force de marcher et de chercher, y’a des trucs qui reviennent, des petits trucs d’émotions comme ça, pas grand chose mais enfin ça le soulage de voir qu’il en reste un peu, que tout n’est pas perdu et que peut-être il arrivera à tout remettre en place.